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Le salon de l’agriculture, une opération commerciale de premier plan

C'est toujours un beau salon, avec de nombreux stands festifs, de belles marques agroalimentaires et beaucoup de visiteurs. Seulement cette année, le contexte est si compliqué que si la convivialité est toujours de mise, les inquiétudes sont aussi de la partie. Tant du côté des producteurs que des distributeurs, ce qui constitue une première.

Novice, Pin-Up, Premium, Neige,… Voilà pour les femelles. Du côté des mâles, c'est Nuremberg et Hector qui sortent du lot ! Voici les reines et rois du concours de beauté qui ont été applaudis par quelque 500 000 visiteurs. Un défilé en grande pompe pour les plus belles bêtes présentes lors de la 58ème édition du Salon de l'Agriculture, qui s'est terminée le 6 mars. Un événement important pour bon nombre de Français et d'entreprises, qui n’avait pas eu lieu depuis 2020, crise sanitaire oblige. Alors c'est peu de dire que l'événement était attendu ! Mais cette année, la situation économique et géopolitique a compliqué la donne.

Un salon qui clôture des négos compliquées

Déjà, ce salon sonnait l'heure du bilan des négociations commerciales entre les agro-industriels et les supermarchés. Pour rappel, ces tractations, souvent houleuses, déterminent le prix des produits mis en rayon pendant l’année et, donc, le revenu des agriculteurs. En 2022, elles ont été particulièrement mouvementées : avec une facture qui s'alourdit pour les industriels, du fait de la hausse du coût des matières premières, ce qui les pousse à répercuter ces hausses sur la grande distribution, qui de son côté mise sur les prix bas pour séduire le consommateur. Finalement, le résultat des courses est une hausse de 3 % des prix payés aux industriels.

Il est vrai que l'enjeu est de taille, tant pour les industriels que pour les distributeurs. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux prix. Préoccupés par leur pouvoir d'achat, 38 % d'entre-eux disent vouloir acheter davantage sous promotion selon la dernière étude Kantar. Et presque autant (35 %) désirent se rendre dans les magasins les moins chers près de chez eux.

Lidl, seul "au stand" du SIA 2022

2022 est aussi l'année où il n'y avait qu'un seul distributeur exposant au Salon de l'agriculture (SIA), en l'occurrence Lidl, qui a multiplié les annonces. Lidl investit 1,6 million d’euros pour renforcer sa Politique bien-être animal ; Lidl renouvelle son contrat tripartite de viande bovine Label Rouge avec l’industriel Tradival, les éleveurs bovins des coopératives Sicarev et CCBE pour la race Charolaise ; Dans le cadre de la loi Egalim2, Lidl, en partenariat la Filière Nationale Bovine (FNB), lance au salon le Rémunéra-score. C'est un étiquetage visant à informer le consommateur sur le prix payé à l’éleveur. Il sera appliqué avant septembre sur tous les produits issus de contrats tripartites sur des races à viande vendus dans les supermarchés Lidl en France.

Si Lidl est le seul à s'afficher au Salon de l'Agriculture, avec un stand qui fait la part belle aux dégustations et aux animations, il n'est pas le seul en revanche à multiplier les annonces sur la période. A l'image d'Auchan, qui lance "Auchan Solidaires" pour soutenir les agriculteurs. Cette nouvelle marque invite les consommateurs à privilégier des produits qui garantissent aux agriculteurs une rémunération plus juste.

Une guerre en toile de fond

Autre fait marquant de cette 58ème édition : deux jours avant le début du salon a éclaté la guerre en Ukraine, qui pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour l'alimentation mondiale. A elles deux, l’Ukraine et la Russie représentent 30% des exportations mondiales de blé et d’orge !

Ce que les professionnels de l’alimentation redoutent ? Que les mesures de rétorsion russes, en réaction aux sanctions occidentales, viennent perturber les échanges. Pour mémoire, la France est le neuvième fournisseur de la Russie en produits agroalimentaires, pour 780 millions d’euros par an. A noter aussi que plusieurs grands groupes agro-alimentaires sont implantés en Ukraine, comme Lactalis, qui tenait d'ailleurs un stand au salon. Enfin, la guerre pourrait refaire flamber les cours de l’énergie (y compris celui du gaz qui sert à fabriquer les engrais), des céréales… Ce qui entraînera des répercussions sur les coûts des aliments.

Des promotions pour compenser l'inflation

Difficile dans ce contexte de faire la fête ! D'autant que cette situation succède à une année particulièrement agitée. Les derniers chiffres de l’Insee montrent que 2021 a été marquée par une forte augmentation du prix des matières premières alimentaires (+ 41 % sur les 12 derniers mois). De plus, à la hausse du prix des matières premières s’est ajoutée celle des coûts de l’énergie de + 18,5 % en 2021 et du transport de marchandises de + 11,8 %. L’année 2021 s'est au final terminée avec une inflation de +1,9 % sur l'alimentation selon l'Insee. Les marques ont alors "compensé" en proposant un maximum de promotions : selon l'Iri, la pression promotionnelle s’est accrue en 2021, avec un chiffre d’affaires de 10,6 % liés aux prospectus. Et c'est bien parti pour durer d'avis d'experts !

Car les Français portent un regard toujours plus sombre sur leur avenir, comme le souligne la dernière étude de Site-annonce. Plus de 6 sur 10 (62,8 %) pensent que leur pouvoir d’achat ne va pas s’améliorer d’ici 1 an. Et près de 8 sur 10 (77 %) considèrent que les dispositifs mis en place par le gouvernement ne changent rien.

Des inquiétudes fortes qui ont cependant tranché avec les comportements des visiteurs, venus en nombre au salon pour consommer les bons produits du terroir. Comme le veut la tradition !